Mon comeback ! (Par Marouane Camara)

La toute première garantie d’une indépendance, c’est la liberté de ton et le choix libre de la ligne éditoriale pour un journaliste, sans interférences, ni pressions d’une autorité, sans le goût de la caricature ni salves de réprobation de l’opinion. Le journaliste doit être souverain dans tous ses choix et se sentir libre de ses convictions.

Ce 25 juin, marque la fin des trois mois de suspension qui m’ont été infligés par la HAC dans un dossier aussi vide que banal qui ne méritait rien d’autre que d’être classé sans suite. Mais, comme il fallait honorer un “contrat” et répondre à une sollicitation, on s’est empressé de prendre une décision mal à propos qui fait plus de mal à ceux qui en ont pris le risque qu’à moi, victime expiatoire. D’ailleurs, d’autres aussi sont passés, par la suite, à la trappe, comme pour dire que le malheur n’arrive pas qu’à un seul et que l’injustice a un effet de contagion.

Trois mois, c’est 90 jours soit 2160 heures de sevrage de la liberté de pratiquer un métier qui me fait vivre autant qu’il est la flamme de ma vie d’homme. J’ai battu en retraite avec armes et bagages. En retrait ou au-devant de la scène, je répudie l’injustice et me protège du mal qu’on pourrait me faire personnellement ou réserver aux autres en me servant de ma passion qui est aussi mon bouclier : faire du journalisme. M’en éloigner et me couper de mon milieu de vie et de travail, c’est un acte de violence et d’agression à mon encontre, contre aussi tous ceux qui ont pris l’habitude de m’entendre, croient en moi et partagent mes prises de position. C’est comme une ablation d’une partie de mon corps et une tentative de m’ôter mon âme.

Après, environ 14 ans de sacerdoce journalistique, je fais l’amère expérience d’une injustice flagrante et impardonnable. Je ne ferai cependant plaisir à personne à me lamenter sur mon sort ou à pleurer de mon infortune. Ça, jamais ! J’ai refusé de sombrer et de couler c’est la meilleure attitude à avoir pour un acte liberticide empreint de fantaisie, pour une faute consciente et délibérée, de mauvaise inspiration, d’une extrême maladresse.

Sans m’atteindre ni m’éteindre, j’ai survécu à une volonté de tuer en moi la passion de ma profession, de briser mon élan d’homme libre et engagé. Malgré le souhait des prédateurs de la liberté et de tous les fossoyeurs qui, pour l’occasion, ont bénéficié du concours d’un appendice devenu leur bras armé et exutoire, de me voir mal en point, je suis encore là, serein et inébranlable. Mes convictions n’ont pas changé, mon moral est plus haut encore. Depuis des lustres, le problème congénital de la liberté est celui du refus des esprits simples et chagrins de ses exigences et de ses rigueurs. Je me considère comme un rescapé, gonflé à bloc, vacciné, immunisé contre tout, qui entend marquer son retour dans les règles de son art.

Dans une société où le courage est synonyme d’offense, la vérité est assimilée au crime, la foi est taxée d’idiotie, je mesure davantage le poids des attentes qui pèsent sur mes frêles épaules. Les nombreux appels, messages et témoignages de sympathie m’ont aidé à supporter l’épreuve et à tenir bon. Renoncer, est un acte de trahison. Reculer, c’est déjà abdiquer. Rien, absolument rien ne doit susciter en moi ni chez les autres une quelconque volonté de baisser les armes, même devant le pire et les dangers.

Le moment de solitude et de difficultés traversé pendant ma pause forcée dans mon travail qui m’est cher et me tient à cœur a été l’occasion pour moi de me rendre compte davantage que le Guinéen n’est pas si ingrat que ça. Il est capable de compassion, de reconnaissance et de solidarité. Je dis merci à ces nombreux compatriotes qui m’ont aidé à relever le défi, en m’entourant de leur soutien qui a fait que je ne me suis pas senti seul, ni abandonné.

Dès les premières heures de ma suspension à maintenant, j’ai été bercé d’amabilités et couvert d’amours. J’ai appris de ce temps difficile que la majorité silencieuse veille au grain, attentive au bien, opposée au mal. Même ceux qui ne partageaient pas mes prises de position se sont littéralement sentis concernés par ma situation, sensibles aux causes justes, loin d’être indifférents aux actes de courage et de conviction. La constance paye toujours, la sincérité touche plus d’un, l’engagement suscite chez tous admiration et respect.

Et j’ai compris qu’il ne faut pas parler pour plaire à qui que ce soit ni écrire que pour déplaire. Il suffit juste d’être droit dans ses bottes, ferme dans ses convictions et juste dans ses choix.

Comme l’a dit l’autre, la vérité n’a pas de camp.
Alors, je suis de retour de mon odyssée qui me redonne la force de continuer la lutte pour une Guinée nouvelle, un Guinéen meilleur. Souffrez de ce combat qui n’est pas que mien, c’est notre affaire à tous.

Habib Marouane Camara
Journaliste-éditorialiste

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