Les forces étrangères et la sécurité Africaine : l’exemple paramilitaire Russe

L’arrivée de mercenaires Russes au Burkina Faso le 18 juin 2024 illustre l’intervention croissante d’Africa Corps (ex-Wagner) en Afrique. Ces forces paramilitaires remplacent les forces armées conventionnelles occidentales. Les exactions des premières et la relative inefficacité des secondes questionne la structure de la sécurité Africaine, et la réalité du besoin d’une action étrangère.

L’Africa Corps en Afrique : changement de forme, continuité de fond

L’Africa Corps est né de la dissolution de Wagner à la mort d’E. Prigojine (août 2023). Ce nouveau groupe paramilitaire n’est donc plus une société militaire privée, puisqu’il est dirigé par le SVR (renseignement extérieur Russe). Toutefois, les méthodes instaurées par Prigojine demeurent : brutalité, désinformation, et propagande. L’arrivée de mercenaires Russes au Burkina Faso (18 juin 2024) questionne l’action de l’ex-société militaire privée.

Le groupe paramilitaire semble apprécié des chefs d’États au caractère autoritaire et remplace graduellement l’intervention des armées conventionnelles occidentales en Afrique. Effectivement, le groupe oscille entre des actions de lutte contre le terrorisme et de stabilisation du pays, et des exactions sur la population civile, ainsi qu’une appropriation de ressources naturelles. Par exemple en République Centrafricaine (RCA), où l’Africa Corps soutient le régime contre les rebelles, récupère des accords d’exploitation des ressources naturelles, et commet des crimes contre la population (enquête The Sentry).

Enjeux de la présence paramilitaire Russe en Afrique : les principaux avantages pour la Russie.

L’Africa Corps soutient généralement des régimes forts, comme ceux de la ceinture des coups d’État (Niger, Mali…). Renforcer ces régimes militaires et les maintenir dans le temps permet à Moscou de normaliser les régimes durs et donc de renforcer la légitimité internationale de la Russie. L’Africa Corps permet à la Russie de s’approprier des ressources naturelles (par-exemple en RCA). L’Africa Corps est aussi un outil permettant de saper les positions stratégiques de l’Occident en Afrique : par de la propagande, et le remplacement de missions auparavant occidentales, comment au Mali en 2022.

Enjeux de la présence paramilitaire Russe en Afrique : les conséquences pour l’Afrique

Le groupe paramilitaire sert de soutien aux gouvernements autoritaires, sans remise en question de leur action. Cela évince donc les questions de la démocratie libérale et des droits humains, et les ralentit leur développement sur le continent Africain. Cette présence est également une forme de néo-colonialisme militaire et économique, puisqu’elle appui les acteurs qui lui sont favorables et pille les ressources naturelles (Blood Gold Report) au détriment du peuple. La conséquence la plus dramatique est la brutalisation et les exactions commises contre les civils, notamment des viols et des meurtres (enquête The Sentry).

Les acteurs de la sécurité en Afrique

Les principaux acteurs de la sécurité en Afrique sont les forces armées nationales et étrangères (régionales ou non), ainsi que les forces paramilitaires (privées ou non). Pour les forces étrangères, elles ont pour missions usuelles la formation des troupes Africaines, ainsi que le rétablissement et le maintien de la paix. Or, certaines forces, notamment paramilitaires sont à la dérive, et réalisent dans les faits un mandat différent, dans le non-respect du droit humanitaire.

L’Afrique doit-elle confier sa sécurité à des acteurs extérieurs ?

Déterminer cela nécessite une réflexion très large. Voici les principaux éléments à considérer. D’abord, les forces (para)militaires servent avant toute chose le dessein de leur chef. Ce dessein ne coïncide pas toujours avec l’intérêt du peuple africain. Ainsi, avant de confier la sécurité à des acteurs extérieurs, les États devraient interroger les véritables motifs de cette aide, et le peuple devrait espérer que le gouvernement ne soit pas corrompu.

De ce fait, des acteurs régionaux ne sont pas nécessairement mieux intentionnés que des acteurs plus lointains. En outre, les États Africains devraient limiter le mandat des acteurs extérieurs à la formation d’une armée efficace, pour stabiliser eux-mêmes leur pays. Cette limitation est possible tant que l’État n’est pas failli. Si tel était le cas, le rétablissement de la paix puis la stabilisation devraient évidemment être confiée à une force internationale.

En ce sens, les États Africains devraient développer leurs propres capacités d’intervention régionale. Si la CÉDÉAO s’est déjà avérée utile (ECOMOG au Libéria), récemment, elle a été impuissante contre les coups d’État de l’été 2023. Toutefois, l’ensemble de ces mesures ne sauraient suffire. C’est d’abord le développement et la diminution des injustices qui aidera à stabiliser le continent Africain et à réduire le nombre de guerres.

Venturini Jérôme
Analyste géopolitique junior
InterGlobe Conseils, cabinet-conseil en expertise géopolitique et communication stratégique https://www.interglobeconseils.org, direction@interglobeconseils.org

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